Qu’est-ce qu’un Smart Building ?

Définition du Smart Building

Le terme de Smart Building n’existe pas dans la réglementation de la construction française. Néanmoins, plusieurs normes abordent le sujet et pour essayer de combler ce vide, différents travaux se sont mis en œuvre. Ainsi, les organisations Building Smart International et Building Smart France ont traité la question de l’interopérabilité des données

Smart Building

D’autre part, la Smart Building Alliance, notamment avec les référentiels R2S, B4V, le livre blanc du BIS (Building Information System) et du BOS (Building Operating System), a abordé la question de l’infrastructure technique et la valorisation des usages BIM et du Smart Building. Finalement, les recherches autour du SRI (Smart Readiness Indicator), soutenu par différentes organisations de l’Union européenne, nous guident vers un encadrement des conditions de définition d’un Smart Building. En parallèle, les groupes de travail des  Gemini Papers  autour de l’université de Cambridge et le travail du LIST (Luxembourg Institute of Science and Technology) définissent les jumeaux numériques.

Comme nous pouvons le constater, l’ensemble de ces travaux abordent des questions différentes, mais liées. Par ailleurs, la concomitance entre interopérabilité et interdisciplinarité, ainsi que les efforts de « désilotage » inhérents aux technologies du Smart Building rendent notre sujet difficilement appréhendable. Nous proposons donc d’expliciter les particularités et le fonctionnement des Smarts Buildings à travers la présentation de quatre strates.

Les quatre strates composant un Smart Building.

Data et structure de l’information

Un Smart Building est d’abord structuré par les informations qui le décrivent au sens des ouvrages et au sens des fonctions. En matière de données, nous avons de la data statique, mais aussi dynamique.

La data statique permet la description des ouvrages et des organisations qui utilisent le bâtiment.

Celle-ci peut être issue des maquettes numériques BIM, mais aussi d’autres sources de descriptions des ouvrages, comme des tableurs au format CSV. La clé de la fourniture de la data statique est sa correspondance à la réalité. En effet, plus les données descriptives reflètent l’ouvrage, plus elles peuvent être exploitées sur une plus grande diversité de systèmes. En conséquence, la fiabilité de la data statique est étroitement corrélée à sa valorisation. Aujourd’hui, afin de valider les prestations de fourniture d’information, les grands donneurs d’ordre, comme la Société du Grand Paris, n’hésitent plus à commanditer des campagnes de vérifications des données par rapport à la réalité d’un chantier ou d’une construction existante. 

La data statique qui décrit les organisations (une hiérarchie par exemple) sera liée aux personnes présentes dans les différentes unités fonctionnelles. Par ailleurs, certaines données des organisations (par exemple la data des ressources humaines indiquant les entrées et les sorties du personnel) peuvent avoir une telle variabilité qu’elles seront considérées comme des informations dynamiques.

Les données dynamiques permettent la description du fonctionnement des ouvrages et la vie des organisations.

Nous déterminerons une donnée « dynamique » quand sa valeur est renouvelée de manière automatique (sans intervention humaine) avec une fréquence proche du temps réel (mise à jour de la data toutes les dix secondes). En ce qui concerne le bâtiment, la data dynamique vient essentiellement d’une architecture GTB (Gestion Technique du Bâtiment) installée dans les ouvrages. Habituellement, les superviseurs compilent les informations, mais ils ne les exploitent pas de manière analytique. Les informations sont supprimées lorsque la mémoire vive ou le cache est renouvelé.

Par ailleurs, il existe une deuxième source de remontée d’information dynamique, il s’agit des « objets connectés ». Largement généralisés, car ils ont des coûts de production et d’installation relativement faibles, les objets connectés permettent une remontée automatique des informations, notamment liées à la vie des organisations.

En ce qui concerne les organisations, les données dynamiques peuvent venir de l’accès au bâtiment (par le biais de l’exploitation de PNG-Portillon Non Gardé) ; mais aussi de la remontée des informations des détecteurs de présence (avec différents niveaux de granulométrie, depuis la captation de la présence dans un espace jusqu’à la captation de présence à la position de travail).

Qu’elle soit statique ou dynamique, la data des ouvrages et des organisations parcourt les édifices de manière constante, comme du sang dans nos veines. Tant que la data est en mouvement, le bâtiment et les organisations sont en vie !

Infrastructures techniques des ouvrages

La data nécessite des supports pour exister et vivre. Ainsi, les infrastructures des ouvrages permettent un parcours de la data, telles les veines et artères pour le sang dans un corps humain.

Les infrastructures techniques sont diverses par leurs natures et par leurs métiers. Nous pouvons, cependant, en distinguer deux types, les infrastructures de transports de fluides et des infrastructures de transmission des informations.

Les infrastructures de transports des fluides

Ceux-ci servent à distribuer des fluides comme l’air ou l’eau, sous différents stades, froid ou chaud. Par exemple, la gestion de la ventilation se réalise à travers des infrastructures de transports d’air, des gaines de ventilation. Selon les techniques utilisées dans l’ouvrage, l’air pourra être refroidi ou réchauffé pour s’adapter aux conditions climatiques et aux conditions de confort des utilisateurs.

Les infrastructures de transmission de données

Ils servent à distribuer des informations facilitant la régulation des fluides. Il s’agit du système nerveux de l’ouvrage. Par exemple, pour le pilotage de la température, les infrastructures de transport des fluides vont additionner ou soustraire les calories des différents fluides. Par ailleurs, les infrastructures de transmissions de données vont capter la température réelle de chaque espace et transmettre le niveau de confort souhaité par les utilisateurs.

En général, dans le cadre du Smart Building, le terme d’infrastructures techniques est utilisé pour parler des infrastructures de transmission de données.

Nous disposons de trois niveaux d’infrastructure chacun avec ses propres modes de transmissions, protocoles et organes de pilotage.

En ce qui concerne les capteurs (et plus rarement les actionneurs), il en existe deux catégories. D’abord, ceux embarqués dans les infrastructures techniques et reliés en courant fort et courant faible aux autres niveaux d’infrastructure. Puis les capteurs autonomes, IOT ou objets connectés indépendants des infrastructures de l’immeuble. Ces IOT fonctionnent avec des piles ou batteries longue durée (en moyenne deux ans) et sont généralement connectés par des réseaux à faible fréquence comme la SIGFOX ou LORAWAN, mais aussi en WIFI Halow. Les protocoles à faible fréquence permettent aux IOT (Internet of Things) une faible consommation d’énergie.

Les Smarts Buildings proposent des changements importants dans les infrastructures et ces changements doivent être surveillés. En effet, traditionnellement, l’infrastructure du bâtiment était isolée (théoriquement isolée, car dans la pratique il y avait toujours des connexions notamment pour les mises à jour des logiciels), ceci rendait donc l’ensemble peu vulnérable aux attaques externes. Tandis qu’avec une infrastructure connectée, les mesures en matière de cybersécurité doivent être plus importantes que sur les architectures GTB traditionnelles.

La Smart Building Alliance a rédigé le livre blanc : « la cybersécurisation des bâtiments tertiaires ». Ce dernier aborde la question de manière transversale tout en apportant des solutions adaptées à l’infrastructure de chaque bâtiment.

Par ailleurs, l’infrastructure du bâtiment répondait avant à une prestation autonome pour le management de réseaux. Ainsi, les intégrateurs et gestionnaires installaient et géraient l’infrastructure à leur souhait. Alors qu’avec une infrastructure « convergée », les niveaux de pilotage du réseau ainsi que les prescriptions en matière de câbles et de switches seront alignés sur celles des services informatiques. Par exemple, les switches pourront être désormais manageables avec des mesures de cybersécurité plus complexes. En revanche, cette transformation peut rendre les infrastructures réseau trois ou quatre fois plus onéreuses.

Enfin, les infrastructures des immeubles étaient silotées avec des protocoles et des standards propres à chaque métier industriel. Maintenant, l’ensemble des organes de captation, d’action, d’intelligence et de pilotage devront être aussi capables d’échanger des informations à travers des protocoles génériques. Par conséquent, les prescripteurs devront disposer des éléments suffisants pour décrire l’achat d’organes permettant un management des données au-delà des silos industriels habituellement établis. A ce propos, ce désilotage va aussi rompre le périmètre d’exclusivité de certains intervenants (qui ne s’occupaient que d’un ensemble d’organes spécifique). Cette condition risque donc de modifier le contexte d’intervention dans les infrastructures embarquées des immeubles.

Les systèmes

Aujourd’hui, les bâtiments en utilisent déjà et ils sont de plusieurs types. Les superviseurs des métiers, les hyperviseurs transversaux ou les GMAO sont d’utilisation courante et presque obligatoire pour les patrimoines tertiaires. D’ailleurs, les différentes réglementations, parmi lesquelles le décret BACS (Building Automation and Control Systems), rendent obligatoire l’utilisation de ces technologies pour améliorer l’efficacité énergétique des actifs immobiliers.

Les superviseurs sont des logiciels installés au sommet des architectures et des infrastructures métiers.

Nous abordons généralement les superviseurs comme le superviseur de la GTB ou GTC (Gestion Technique Centralisée), mais chaque système industriel a son propre superviseur. Les caméras de surveillance ont leur propre superviseur, la gestion des accès également. D’autre part, il existe des superviseurs réglementaires isolés, dont les interventions externes sont limitées, c’est le cas, par exemple, du superviseur de la sécurité incendie. Comme son nom l’indique, un superviseur, supervise une architecture industrielle. Traditionnellement, pour des questions d’autonomie de fonctionnement et de puissance de calcul, l’intelligence de l’architecture se trouve au plus près des terminaux (sur les automates). Aujourd’hui, les superviseurs intègrent aussi des solutions pour la gestion transversale des terminaux.

Les hyperviseurs sont des logiciels installés dans l’infrastructure du bâtiment, ils permettent de coupler plusieurs réseaux industriels entre eux.

Les hyperviseurs autorisent donc une transversalité permettant d’afficher les informations de différents silos. En général, les hyperviseurs restent limités à un domaine spécifique comme le confort ou la sécurité. Ils intègrent plusieurs métiers industriels de chaque domaine. Ainsi, dans le cas des hyperviseurs de sécurité, ils intègrent des informations sur les caméras de surveillance, les accès, ou encore la cybersécurité de l’infrastructure technique de l’immeuble.

À quoi sert un Smart Building ?

Enfin, il ne nous reste plus qu’à voir les services ou les logiciels de services. Ceux-ci constituent la raison du déploiement d’un bâtiment intelligent : in fine, à quoi mes utilisateurs ou occupants auront-ils accès ?

Les services ou les logiciels de services, aussi définis comme les « applications IT internes ou externes » seront l’interface informatique entre les utilisateurs et le Smart Building. Selon les enjeux et niveaux de criticité, les applications pourront être installées dans la structure informatique des clients ou pourront être disponibles dans le cloud. D’ailleurs, selon le type de classement de l’organisation, dans les référentiels de l’ANSSI, l’ensemble des applications pourront être délimitées à l’intérieur du périmètre informatique des clients.

Nous classerons les services en trois familles, ceux pour les utilisateurs finaux, ceux pour les utilisateurs professionnels et enfin ceux pour les utilisateurs externes.

Les services pour les utilisateurs finaux

Ceux-ci regroupent des applications bureautiques, les applications de la vie au travail et celles concernant l’accessibilité. Pour les applications bureautiques, les interactions avec le bâtiment seront liées aux espaces recevables ou disponibles, ou encore aux renseignements sur la disponibilité physique sur le site des autres utilisateurs finaux. Pour les applications de la vie au travail, il s’agit de toutes les interactions avec le bâtiment, comme la gestion de confort, les demandes d’intervention ou l’accès aux équipements spécifiques comme les machines à café. Finalement, les applications d’accessibilités regroupent toutes les fonctions d’accès au site, incluant les transports en commun, la gestion de l’accès au parking et au bâtiment ainsi que la gestion des visiteurs.

Les services pour les utilisateurs professionnels

Ils regroupent les fonctions disponibles pour les services généraux ou le facility management. Les fonctionnalités intégreront les sujets de la gestion de la maintenance, de la gestion de l’exploitation, notamment l’affectation et la disponibilité des locaux, ou encore le pilotage pour une meilleure efficacité énergétique

Les services des utilisateurs professionnels sont généralement en lien avec le système d’information des ressources humaines des organisations : ceci permet d’analyser les taux d’occupation et d’améliorer la gestion en rapport à la présence réelle sur site. 

Les services pour les utilisateurs externes

Ces derniers regroupent les applications qui guident certaines informations pour des utilisations externes. Ce type d’application fait partie des applications les plus complexes à mettre en place, car cela implique l’accès des informations à des tiers. Les applications intègrent le Smart Building à la Smart City. Par exemple, une utilisation envisagée est d’optimiser le pilotage énergétique à l’échelle du quartier ou de la ville. Ainsi, les gestionnaires peuvent envisager l’effacement d’un bâtiment à des moments clés. Un autre exemple est celui d’optimiser la gestion des transports publics en connaissant le nombre d’occupants dans les immeubles. Ainsi, les dimensionnements et la disponibilité des transports publics pourraient s’y aligner.

Même s’ils sont très divers, les services sont la clé du déploiement des bâtiments intelligents. Il est essentiel d’en définir la délimitation pour donner une échelle à un projet de bâtiment intelligent précis.

Le concept de smart building concerne une famille de bâtiment très étendue. Par exemple, des constructions contemporaines « normales » qui embarquent des GTB de catégorie A, jusqu’à des constructions très sophistiquées intégrant des jumeaux numériques. Pour chacune des strates, nous avons une grande variété d’options. Ces options permettent une adaptation fine aux besoins des usagers. Le côté positif est que nous pouvons construire un Smart Building spécifiquement adapté à nos besoins. Le côté complexe est que nous devons faire l’effort de définir une architecture idoine à quatre étages, ceci afin d’atteindre les performances attendues.

Gardons à l’esprit que l’élément essentiel des bâtiments intelligents est l’usage que les utilisateurs en feront. Qu’il s’agisse des utilisateurs finaux ou des utilisateurs professionnels, les bâtiments intelligents doivent fournir des services utiles et opérationnels permettant d’atteindre des objectifs chiffrables (concernant, par exemple, les économies d’énergie).